Fardé et affublé d'une perruque et d'une longue jupe, il s'est promené dans lecentre-ville du Caire. Sur son passage, les regards des hommes se font insistants. Certains l'interpellent d'un "Ya, moza", comme on dirait "hé, poulette" en français. D'autres entreprennent de le suivre, lui susurrant des propositions indécentes parfois accompagnées de gestes déplacés.
"UNE QUESTION DE DOMINATION, PAS DE SEXE"
Pour faire mentir le préjugé répandu en Egypte que les femmes suscitent ce harcèlement par leur tenue "indécente", Oualid a réitéré l'expérience les cheveux couverts d'un voile. La petite balade s'avère tout aussi oppressante. Un homme le suit au volant de sa voiture. Un autre lui propose de l'argent pour l'accompagner à l'hôtel. Moralité, confie Oualid au journal électronique Aswat Masriya : "C'est une question de domination, pas de sexe. Plus la femme est voilée, plus grand est le défi (...). Cela excite les hommes."
Bien qu'inédite, l'expérience de Oualid met le doigt sur un phénomène identifié de longue date en Egypte, mais ignoré par les autorités. Le silence lourd de honte des victimes a longtemps fait le jeu du sexisme ambiant. Les langues n'ont commencé à se délier qu'après la révolution du 25 janvier 2011, qui a vu hommes et femmes manifester côte à côte pendant dix-huit jours. Jeune figure de cette révolution, Mohammed Diab a tenu à consacrer son premier film, Les Femmes du bus 678, réalisé en 2011, au harcèlement.
RECRUDESCENCE DES AGRESSIONS SEXUELLES
Le pays connaît une recrudescence des agressions sexuelles, qu'ont alimentée la dégradation de la situation sécuritaire et la cécité volontaire des nouvelles autorités. Le pic a été atteint le 25 janvier 2013, avec le viol de vingt-cinq femmes venues place Tahrir pour le deuxième anniversaire de la révolution. La réaction d'une responsable politique, rejetant la faute sur les femmes allant manifester"pour être agressées" et violées, a amplifié le malaise des organisations des droits de l'homme.
Les manifestations se multiplient depuis pour appeler le président Morsi à agircontre la banalisation du harcèlement sexuel et des propos sexistes tenus jusqu'aux plus hauts échelons de l'Etat. Un message peut-être entendu si l'on en juge la proposition de loi actuellement à l'étude visant à punir par de la prison les auteurs d'agressions sexuelles. Mais encore combien d'initiatives comme celle de Oualid faudra-t-il pour changer les mentalités ?
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