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Afrique du Sud: Un projet de loi sape les droits de 12 millions de femmes rurales

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Le projet de loi vise à "donner aux Sud-Africains plus d'accès à la justice" en reconnaissant les autorités et les lois traditionnelles. A travers lui, les chefs traditionnels dans les zones éloignées auraient le pouvoir unilatéral de créer et d'appliquer le droit coutumier.

Ce projet de loi a suscité un tollé en 2008 quand il a été déposé la première fois à l'Assemblée nationale. Mais avec son entrée en vigueur prévue pour la fin de 2012, des groupes de défense des droits civils donnent de plus en plus de la voix dans leur exigence qu'il soit déclaré inconstitutionnel.

Le projet de loi permettra aux chefs traditionnels de juger les affaires civiles, y compris les litiges entourant une rupture de contrat, les dommages causés à une propriété, le vol et la 'crimen injuria' ou "atteinte à la dignité de l'autre en violation de la loi, intentionnellement et gravement", si l'agression ne donne pas lieu à de graves dommages corporels.

Mais plusieurs groupes de défense des droits civils ont rejeté le projet de loi. Selon Jennifer Williams, directrice du Centre juridique pour les femmes au Cap, en Afrique du Sud, le projet de loi "mettrait tous les pouvoirs dans les mains d'un seul individu - dans presque tous les cas un homme - et en réalité faire de lui un juge, un jury et un exécuteur".

Non seulement le projet de loi accorde à un seul individu le pouvoir d'interpréter la coutume dans une communauté particulière, il interdit également aux présumés coupables d'avoir un avocat - même dans les affaires pénales. En outre, il ne permet pas l'option de juger l'affaire devant un tribunal ordinaire.

"Le projet de loi n'inclut simplement aucun contrôle du pouvoir des chefs traditionnels, et ne les tient pas non plus responsables", indique Williams.

Les femmes en particulier seront touchées par le projet de loi. Et il a déclenché un débat national. L'activiste des droits humains, Siyasanga Mazinyo, du Mouvement des populations des zones rurales à Grahamstown, en Afrique du Sud, a déclaré au journal local 'New Age', le 2 mai, que le projet de loi violait les droits des femmes.

"Dans le passé, les affaires de ces tribunaux traditionnels étaient jugées près des kraals (enclos du bétail) et selon nos traditions, les femmes ne sont pas censées s'asseoir près des kraals".

Beaucoup de traditions similaires existent aujourd'hui, déclare Williams. "Selon les traditions tribales, les femmes ne sont pas autorisées à assister aux audiences pendant qu'elles sont en menstruation, ni les veuves ne sont autorisées à se présenter devant les tribunaux traditionnels lorsqu'elles sont en deuil".

"En réalité, cela signifie qu'un homme la représentera lors de l'audience du tribunal et elle n'aura aucun impact quelconque sur l'audience. Elle connaîetra son sort seulement dès que le juge rendra sa décision", souligne-t-elle. Williams affirme que le Projet de loi sur les tribunaux traditionnels est "clairement ancré dans un système patriarcal".

"Bien qu'il essaie d'utiliser un langage égal en permettant aux hommes de représenter les femmes et aux femmes de représenter les hommes dans les tribunaux, il poursuit en stipulant que cela devrait être autorisé seulement selon la coutume existante. Justement, c'est là que réside le problème: la coutume dans la plupart des milieux empêche les femmes de se présenter devant les tribunaux et ne leur permet certainement pas de représenter les hommes".

Elle affirme que l'un des principaux défis en Afrique du Sud, c'est comment harmoniser la coutume avec sa dispense juridique actuelle, et le projet de loi ne parvient pas à faire cela.

"Il nous ramènera à une position où les hommes feront et interprèteront la coutume dans les tribunaux d'une manière qui peut ne pas être cohérente, claire ou certaine. Les Femmes et les enfants (et d'autres hommes) seront obligés de se soumettre à la juridiction de ces tribunaux, sans possibilité de choix. Cela créera en effet une deuxième classe de citoyens", explique Williams.

La Commission sud-africaine pour l'égalité de genre (CGE), un organe statutaire indépendant chargé de promouvoir et de protéger la réalisation de l'égalité entre les sexes en Afrique du Sud, a rejeté le projet de loi, affirmant qu'il est fatalement imparfait.

"De nombreuses dispositions dans le projet de loi sont inconstitutionnelles, et nous avons exprimé nos inquiétudes par rapport aux questions relatives à la représentation et la participation des femmes dans les tribunaux traditionnels, et l'impact que cela est susceptible d'avoir sur leurs droits constitutionnels à l'égalité", déclare Janice Hicks, présidente par intérim de la CGE.

La réalité de la loi tribale serait dure, comme l'illustre le cas de M*, une jeune femme du groupe ethnique Xhosa dans le pays, qui a contacté le Centre juridique pour les femmes en vue d'une assistance. Cette jeune femme a été mariée quand elle avait 14 ans à un homme plus âgé qui vivait avec sa petite amie et travaillait à Johannesburg.

Cependant, M* a été forcée de vivre avec les parents de son mari dans une région rurale reculée, où elle était censée aider la maison familiale. Mécontente du fait qu'elle ne puisse pas vivre avec son mari ou aller à l'école, elle a fui pour aller chez ses parents vivant à plus de 500 kilomètres.

Irrité par son départ, son mari a intenté une action en justice devant le tribunal local de première instance, exigeant le retour de son épouse, ainsi que la lobola (dot) qu'il avait payée et les frais juridiques. Après une intervention du Centre juridique pour les femmes, cette revendication a été rejetée par une ordonnance selon laquelle le plaignant paie les frais du présumé coupable.

Toutefois, si l'affaire devait être tranchée conformément au Projet de loi sur les tribunaux traditionnels - puisque la zone rurale reculée où elle vivait avec ses beaux-parents relève d'une telle juridiction - les choses auraient pris une tournure très différente.

"Premièrement, en vertu du droit coutumier Xhosa, lorsqu'une femme se sépare de son mari et retourne chez son père, le mari est tenu d'aller la chercher", explique Williams. "Le père et le mari peuvent ensuite aussi négocier les conditions de retour de la femme sans la consulter".

Par Sabine Clappaert

 

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