Les dirigeants de 189 pays du monde ont adopté en 2000, la déclaration du Millénaire et les Objectifs du Millénaire pour le Développement (OMD). Ils se sont fixés l’échéance de 2015 pour la réduction de l’extrême pauvreté. Les OMD comportent huit objectifs concrets convenus à l’échelle internationale des cibles assorties de délais et des indicateurs visant à mesurer les progrès réalisés dans les domaines de : l’atténuation de la pauvréte,l’éducation, l’égalité de sexes et l’autonomisation des femmes, la santé infantile et maternelle, la réduction du VIH/sida et des maladies contagieuses, la durabilité environnementale et la constitution d’un Partenariat mondial pour le développement.
Par Mme Annie Matundu Mbambi, Consultante en Genre, Présidente de WILPF/RDC
Alors que les objectifs du Millénaire pour le Développement arrivent à terme en 2015 et que la Conférence de RIO + 20 a lancé le processus de formulation des objectifs de développement durable (0DD), les Nations Unies sollicitent de nombreuses parties prenantes (Gouvernement, société civile, réseaux d’entreprises et autres acteurs internationaux) afin de travailler à l’élaboration d’un agenda de développement post-2015.
En analysant certains OMD, le rapport OMD de 2013 souligne par exemple, que les progrès pour tous les enfants en Afrique subsaharienne sont « à notre portée ». Les enfants scolarisés en primaire n’ont jamais été aussi nombreux.
Le taux moyen de réduction de la mortalité infantile a doublé, passant de 1,5 % par an en 1990-2000 à 3,1 % en 2000-2011. Certains pays à fort taux de mortalité d’enfants de moins de cinq ans, Ethiopie, Libéria, Madagascar, Malawi, Niger et Rwanda, par exemple, ont fait état de baisses d’au moins 60 %.
L’accès à l’eau potable a été très élargi et les investissements axés sur la lutte contre le paludisme, le sida et la tuberculose ont sauvé des millions de vies tandis que d’autres pays les OMD continuent à régresser.
D’après le rapport Inter-parlementaire 2013, la proportion de femmes parlementaires est passée de 13 % en 2000 à 21 % en 2013, soit le taux le plus élevé de toutes les régions en développement. À l’échelle mondiale, l’un des plus forts gains électoraux pour les femmes a été enregistré au Sénégal, avec 43 % des sièges occupés par des femmes. Certes, des progrès réels ont été accomplis en matière de pauvreté et d’éducation, mais beaucoup reste à faire du côté de l’aide au développement.
Etats de lieux de l’avancement des OMD en République Démocratique du Congo
Le gouvernement de la République Démocratique du Congo (RDC) a amorcé plusieurs démarches dans le cadre de la lutte contre la pauvreté. En 2006, le ministère du plan, avait élaboré un plan d'action qui fournirait au gouvernement issu des élections de 2006, non seulement un cadre pour la réconciliation nationale et de consolidation de la paix nationale, mais qui servirait également d'un cadre de référence de la politique gouvernementale et de convergence de la coopération avec les partenaires au développement en matière de relance de l'économie et de lutte contre la pauvreté. Ce plan se voulait modeste et s'inscrivait dans les objectifs du court et du moyen terme (2007-2009) ainsi que les Objectifs du Millénaire pour le Développement (OMD). Ce plan est connu sous le nom de Document de la Stratégie de Croissance et de Réduction de la Pauvreté (DSCRP).
Même si des timides avancées ont été enregistrées, notamment dans les domaines touchant à la scolarisation, la santé des enfants, l’accès à l’eau potable ou la lutte contre le VIH/Sida, le fossé de la pauvreté ne cesse de s’élargir en RDC. C’est en prenant en compte le contenu des lignes budgétaires et les tendances majeures des dépenses publiques de l’Etat affectées aux secteurs- clés ciblés par la Déclaration du Millénaire que cette faiblesse s’est faite remarquée.
Les résultats d’une série d’enquêtes effectuées tant par le gouvernement que par divers organismes de développement dont le PNUD, révèlent de graves distorsions en matière de lutte contre la pauvreté. Des indicateurs du développement humain (éducation, santé, accès aux biens et services socio-économiques), de la prévalence du VIH/Sida, du cadre de vie, et de la protection sociale, confirment non seulement ce diagnostic, mais établissent aussi que la pauvreté en RDC est un phénomène de masse, généralisé, et chronique, difficile à endiguer à l’horizon 2015.
C’est en se référant à ces indicateurs, presqu’au rouge, que le Document de Stratégies de Croissance et de Réduction de la Pauvreté (DSCRP), adopté en 2006, avait abouti à la conclusion selon laquelle « le pays atteindrait difficilement les Objectifs du Millénaire pour le Développement (OMD) d’ici 2015 ».
Si des efforts additionnels ne sont pas fournis, il est probable que la RDC sera hors course dans les 17 mois restant au grand rendez-vous du bilan des OMD. Mais, il y a moyen, avec l’expérience acquise durant toutes ces années de recadrer le tir en engageant des actions orientées véritablement vers la population, seule grande bénéficiaire des OMD.
Les Objectifs de Développement Durable (ODD)
La Conférence de Rio +20 a créé un groupe de travail ouvert (GTO) dédié aux Objectifs de Développement Durable (ODD),
L'un des principaux résultats de cette conférence est l'accord conclu par les États membres sur l’élaboration d’un ensemble d'Objectifs pour le Développement Durable (ODD), qui pourraient être un outil utile pour la poursuite de l'action ciblée et cohérente en matière de développement durable. Cet agenda ne doit pas omettre d’inclure des objectifs transformatifs en faveur de la femme, qui constituent plus de la moitié de l'humanité. Il faut que l'égalité entre les femmes et les hommes soit un axe fort dans toutes les actions, pour que la lutte contre les violences basées sur le genre soient inscrite au rang des priorités.
Lien/Transition entre les OMD et le Programme de Développement post 2015
Si plusieurs pistes sont étudiées et débattues à tous les niveaux (ONU, Etats, Parlements, Acteurs de Développement, Société civile, entreprises privées) afin de construire un programme de Développement pour les prochaines années, plusieurs acquis peuvent faire le lien/ transition entre OMD et Programme de Développement post 2015.
Les OMD ont 8 objectifs, 21 cibles et 60 indicateurs chiffrés à atteindre en 2015 tandis que le Programme de Développement au-delà de 2015 comporte 12 Objectifs et 54 cibles dont les indicateurs seront chiffrés dans un délai de 15 ans à partir de 2015.
L’augmentation du nombre d’objectifs et des cibles dans le programme de Développement au-delà de 2015, montre à suffisance que dans les OMD, certaines cibles ont été oubliées, c’est les cas des conflits, des violences, de la gouvernance et de leadership politique.
Les OMD, en fixant des objectifs chiffrés, ont eu l'avantage de définir des buts, ils ont eu pour désavantages d'inciter les institutions à "faire du quantitatif", au détriment de la qualité. Un exemple criant, selon le rapport des OMD 2010, le taux de scolarisation dans le primaire dans les pays en développement est passé de 82% en 1999 à 89% en 2008; il a même progressé de 18 points en Afrique subsaharienne. Ce résultat satisfait l'objectif No 2, d'accès universel à l'éducation pour 2015, malheureusement, cette hausse été réalisée au prix d'un recrutement massif de professeurs non qualifiés et sous-payés qui se retrouvent face à des classes surchargées au détriment de la qualité de l'enseignement.
Soulignons que les OMD ont contribué à mobiliser un appui politique et économique autour d’un ensemble de problèmes de développement mondiaux. Ils ont étayé le débat d’idées, donné forme à des partenariats mondiaux, inspiré les cadres de développement nationaux et influencé les priorités de financement au niveau mondial.
Il importe donc que les Objectifs et les indicateurs Programme de Développement post 2015 soient définis au niveau national pour assurer qu’ils reflètent les contextes spécifiques, les différents besoins et les différentes priorités des différents pays. Cela signifie que les futurs objectifs de développement doivent être conçus par nous, par vous, dans nos pays, à travers nos systèmes nationaux, sur base de nos connaissances et expériences pour qu’ils puissent mieux répondre à nos besoins et mieux tenir compte de nos contextes et contraintes. Les Etats ne devront plus avoir le monopole de l’action collective dans cette transition. Quant à la Société Civile, elle a acquis un rôle et une importance considérables dans la promotion d’un programme de développement, d’ou le Programme de Développement doit être le fruit d’un dialogue et d’une concertation entre Etat et l’ensemble des parties prenantes (Société Civile, entreprises, chercheurs, parlementaires, service de l’Etat, collectivités)
Le futur programme de Développement doit se focaliser sur les peuples et doit générer des changements assez profonds et pérennes pour réduire les inégalités. Ce programme de développement pour l’après-2015 bénéficiera sans aucun doute de l’analyse des éléments des OMD qui ont bien fonctionné et de ceux qui doivent être améliorés.
Le lien à faire entre OMD, ODD et le Programme post 2015 se résume en ceci :
- Les OMD luttent contre la pauvreté en se référant aux objectifs de développement humain mesurables au niveau micro-économique, tels que l'éducation, la santé, l'accès à la nourriture et à l'eau ;
- Les ODD sont des objectifs qui peuvent être définis comme des biens publics mondiaux, tels que la limitation du changement climatique et de ses effets négatifs ;
- Le Programme de Développement post 2015 sera un programme participatif incluant des objectifs globaux et universels applicables à tous les pays par le biais des objectifs spécifiques aux contextes nationaux ou régionaux.
Nous avons probablement besoin des objectifs mondiaux de développement plus complets, inclusifs et plus ambitieux, mais en même temps, nous savons que, en fin de compte les objectifs doivent être réalisés au niveau pays.
La capitalisation des bonnes pratiques doit être encouragée. La gouvernance démocratique, fondée sur des processus d'appropriation qui permet à une société de repenser son propre mode d'action collective pour mettre en place les réponses les plus adaptés aux spécificités du contexte local doit être prise en compte.
Le socle des OMD doit être maintenu, notamment pour sa capacité à mobiliser les Etats autour d’un agenda clair et centré sur l’objectif premier de réduction de la pauvreté. Il devra bien évidement être adapté au nouveau contexte international, très différent de celui qui prévalait dans les années 2000.
Il convient également de signaler à cet égard que le cadre qui succédera aux OMD doit rectifier l’importance accordée aux résultats de développement. C’est en soulignant le rôle important de la paix et de la sécurité, du renforcement institutionnel et du développement des infrastructures que le programme de développement de l’après-2015 peut permettre de débloquer certains des obstacles qui entravent le développement au niveau national et régional.
Le prochain cadre de développement « l'agenda post-2015 » devrait s'appuyer sur les leçons tirées du travail effectué pour réaliser les OMD, qui ont structuré les activités de développement des Nations Unies depuis le Sommet du Millénaire en 2000.
**Télécharger la version pdf de ce papier présenté lors des Journées d’Information organisée par le ROFAF en collaboration avec le GEDROFE les 15 et 16 avril 2014 au Centre Carter des droits de l’homme à Kinshasa sur « Le Genre dans le Programme de développement pour l’Après 2015 »
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