Vendredi, 03 Janvier 2014 16:56
Une campagne ayant mené à la reconnaissance juridique des droits en matière de nationalité des femmes arabes dans neuf pays et territoires constitue une source d’inspiration et de solutions stratégiques pour les femmes qui, un peu partout au Moyen-Orient, se heurtent à une discrimination croissante.
Avec l’appui du CRDI, le Collective for Research and Training on Development-Action (CRTD.A), organisme établi à Beyrouth, a entrepris en 2002 des recherches régionales en vue d’examiner en quoi l’absence de droits en matière de nationalité des femmes fait en sorte que tout un éventail d’autres droits sont bafoués.
Faisant fond sur les constatations ayant émané de ses recherches, le CRTD.A a lancé la campagne pour le droit à la nationalité des femmes arabes. L’objectif : sensibiliser la population au fait que l’incapacité des femmes arabes à transmettre leur nationalité à leur conjoint et à leurs enfants entraîne de graves difficultés pour les familles concernées.
De nombreuses femmes qui ont épousé un non-ressortissant ont raconté comment leurs enfants étaient contraints de vivre tels des étrangers dans leur propre pays. Se voyant refuser les avantages associés à la nationalité, les maris et les enfants touchés n’ont droit ni à des services de santé, ni à l’éducation, ni à l’emploi. Ils n’ont pas droit non plus à la représentation politique et ne sont pas autorisés à se déplacer librement à l’intérieur du pays.
L’inquiétude croissante de la population
Comme l’explique Lina Abou-Habib, directrice générale du CRTD.A, les chercheurs ont constaté que le déni de ce droit particulier — le droit à la nationalité — entraînait le déni de tout un éventail d’autres droits.
Il ne s’agit pas du tout, rappelle Mme Abou-Habib, d’un simple problème d’ordre administratif. Le fait est qu’en pratique, la femme est toujours considérée comme inférieure à l’homme; elle n’est pas une citoyenne à part entière. Elle se voit refuser les ressources économiques et sociales qui permettraient à sa famille d’échapper à la pauvreté et à l’isolement.
Les témoignages de familles qui se sont heurtées à de telles difficultés et injustices ont trouvé un écho dans de nombreux pays arabes. Les responsables de la campagne ont révélé au grand jour les répercussions, sur le plan personnel, des lois sur la nationalité discriminatoires en produisant trois documentaires – My Child the Foreigner, My Lebanon et All for the Nation — et en organisant des manifestations à l’échelle de la région.
Le débat politique qui en a résulté a amené le gouvernement de l’Égypte à modifier sa législation sur la nationalité en 2004. L’Algérie, l’Arabie saoudite, la Cisjordanie et Gaza, les Émirats arabes unis, la Libye, le Maroc, la Tunisie et le Yémen ont tous fait de même par la suite.
La poursuite des efforts
Ailleurs au Moyen-Orient, la lutte se poursuit. Au Liban, les pressions exercées par la campagne ont mené en 2012 à la création d’un comité ministériel chargé d’étudier des façons de faire avancer les droits des femmes. Par ailleurs, les femmes qui ont oeuvré à la campagne s’attachent aujourd’hui à mobiliser l’appui de la population envers les candidats aux élections parlementaires qui soutiennent l’avancement des droits des femmes.
De façon générale, cependant, les femmes au Moyen-Orient font face à de graves difficultés. Le Printemps arabe, estime Mme Abou-Habib, a entraîné un important recul des droits des femmes, tout comme des droits de la personne en général. Elle mentionne à cet égard les gouvernements d’obédience fondamentaliste qui, dans plusieurs pays, ont manifesté leur intention de retirer aux femmes certains de leurs acquis.
Pour s’opposer à cette tendance croissante, il faudra redoubler de détermination, croit Mme Abou-Habib. Les réussites antérieures de la campagne ont fourni d’importants enseignements dont il faut à son avis tirer parti.
Elle rappelle en effet que l’on en sait maintenant davantage sur la façon dont la recherche peut à la fois lancer un dialogue avec la population et mener à des modifications aux politiques. De plus, ajoute-t-elle, l’organisme est maintenant mieux à même de diffuser les enseignements tirés de la recherche.
Stephen Dale est rédacteur, et il est établi à Ottawa.
Cet article fait partie des récits Des effets durables, qui mettent en évidence des façons dont les travaux financés par le CRDI ont amélioré les conditions de vie dans les pays en développement.