Maurice: Viser la parité en politique d’ici 2020

Mercredi, 24 Juin 2015 12:51
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Par Kelvin Suddason | 24 Juin 2015

Pour Shakuntala Boolell, adjointe au maire de Quatre Bornes et participante au sommet de GL dans la catégorie 50/50, ce manque de représentation féminine en politique constitue un monopole du pouvoir masculin. Celui-ci prime majoritairement tant au niveau du gouvernement central qu'à celui des conseils municipaux et de districts. Des propos qui trouvent un écho chez Mamta Jugroop, conseillère au district de Grand Port et également participante au sommet, qui confirme qu'il y a effectivement une forte disparité à ce niveau avec seulement 23% de conseillères et 11% de personnel féminin dans son conseil.

A Quatre Bornes, les élues devancent légèrement leurs homologues masculins avec un conseil composé de huit femmes et de sept hommes. Les pouvoirs décisionnels dans les sous-comités économie/finances, selon Shakuntala Boolell, reviennent toujours aux conseillers. Ainsi, les questions immobilières, d'allocation d'étals au marché et d'infrastructures sont traitées par les hommes. Les conseillères ne se voient attribuer que les questions liées à la culture. Ce schéma n'offre pas de rôle de premier-plan à la femme, à moins qu'elle ne fasse entendre sa voix pour renverser la situation. «La femme ne doit pas rester dans les coulisses,» estime Shakuntala Boolell. «Il faut que les femmes appliquent des idées qui intègrent le genre afin que l'égalité du genre ne demeure pas qu'une théorie mais qu'elle s'inscrive dans notre quotidien» ajoute-t-elle.

Il existe toujours des barrières à la parité et celles-ci pourraient être le fait des femmes elles-mêmes. Si Shakuntala Boolell le reconnaît du bout des lèvres, Nushrat Gunnoo, championne de Women in Politics (WIP), organisation non gouvernementale qui œuvre pour une augmentation de la représentation féminine en politique, l'admet ouvertement en ces termes: «Certaines femmes sont clairement une barrière à l'accroissement du nombre de politiciennes à Maurice. »

Selon cette participante au Sommet de GL dans la catégorie de la campagne 50/50, certaines électrices pensent toujours que les hommes doivent détenir le pouvoir exécutif. Durant leur collecte de fonds en amont de leur campagne phare WE, le W étant pour Women et le E pour Empowerment, WIP a enregistré des réactions pour le moins choquantes. Ils ont été nombreux à remettre en question la nécessité pour les femmes d'acquérir des compétences en leadership.

Si les obstacles existent, des efforts sont tout autant faits pour les surmonter. En effet, WIP a mis les bouchées doubles avant les élections générales de 2014 avec sa campagne WE, et ce, sur tous les fronts. Que ce soit dans les medias, auprès des électeurs enregistrés et des décideurs politiques de tous bords. C'est avec fierté que Nushrat Gunnoo explique que les services de coaching dispensés en collaboration avec la Indian Ocean Coaching Association, adoptent une approche neutre et sont à la portée de toutes les femmes candidates, qu'elles soient d'un parti ou d'un autre et peu importe leur religion.

Cependant, ni les fonds de l'ambassade des Etats-Unis, ni les services offerts par WIP n'ont su convaincre. Les chiffres sont éloquents: sur les 700 personnes conscientisées par la campagne de sensibilisation effectuée par WIP dans trois centres commerciaux de l'ile, seules 30 femmes ont été intéressées à recevoir cette formation. Et parmi ce nombre, trois d'entre elles se sont portées candidates. Et malheureusement aucune n'a été élue.

Néanmoins, le combat est loin d'être perdu. Loga Virahsawmy préfère se concentrer sur les aspects positifs. Elle qualifie de «pas de géant» la hausse conséquente de la représentation féminine au niveau des collectivités locales ces dernières années. De 6.4% d'élues avant les élections locales de 2012, ce pourcentage est passé à 28% d'élues au sein des collectivités locales à travers l'île après lesdites élections. Et aux élections municipales de juin 2015, le pourcentage d'élues a été de 32%.

C'est dans cette optique de progression que GL fait appel au gouvernement pour qu'il signe le Protocole de la SADC sur le Genre et le Développement (PSGD). Le regard plein d'espoir et tourné vers le futur mais avec les pieds bien sur terre, Loga Virahsawmy reconnaît que «Nous avons raté le train du développement. L'objectif de parité pour 2015, c'est déjà trop tard.»
Selon l'ancienne directrice du bureau francophone de GL, il faudra donc avoir pour but d'appliquer les dispositions de ce Protocole d'ici 2020 et tout mettre en œuvre pour que les élections villageoises, qui devraient avoir lieu dans un futur proche, voient une plus forte représentation féminine, voire un résultat de 50/50.

Au niveau des villages, estime-t-elle, cette vision pourrait se réaliser si la présidente de la République et les huit femmes au parlement, ainsi que les 41 conseillères municipales déjà en poste, se positionnent comme ambassadrices de l'égalité du genre. Des ambassadrices qui seront bien sûr épaulées par GL. Comme le dit Loga Virahsawmy, «C'est notre dernière chance de faire évoluer la situation en cette année 2015.»

Kevin Suddason est étudiant en deuxième année à l'Université de Maurice. Il fait partie des étudiants sélectionnés par Gender Links pour participer à la rédaction de son bulletin spécial sur le Sommet national.

Source: Gender Links