La Déclaration du Millénaire, adoptée en Septembre 2000 par 189 pays lors de l'Assemblée Générale des Nations Unies, a lancé un défi sans précédent à la communauté internationale en définissant des objectifs chiffrés qui doivent être atteints d’ici à 2015 pour réduire l’extrême pauvreté et toutes ses manifestations sociales et économiques.
A l’approche de l’échéance de 2015, il convenait de revoir le chemin parcouru et d’anticiper l’après 2015. L’examen des évaluations précédentes des objectifs du Millénaire amène à penser que la qualité des services sociaux, les inégalités, le chômage (notamment, celui des jeunes et des femmes), la vulnérabilité face aux chocs, la pérennité des performances économiques, sociales et environnementales et la croissance inclusive comptent au nombre des défis récurrents et doivent alimenter l’Agenda de Développement pour l’après 2015.
Dans son discours devant l’Assemblée Générale des Nations Unies, le 24 Septembre 2013, le Secrétaire Général Ban Ki Moon disait: « Le nouveau programme de développement doit être aussi mobilisateur que les OMD, tout en allant plus loin. Il doit être universel; l’éradication de la pauvreté doit en être la priorité absolue, le développement durable, l’élément central et la gouvernance, le ciment. Il doit s’exprimer en une seule et unique série d’objectifs. Et il ne doit pas établir de hiérarchie entre les trois dimensions du développement: la protection de l’environnement et la justice sociale ne doivent pas être reportées à plus tard, une fois que la croissance économique sera assurée. …L’autonomisation des femmes et leurs droits doivent être au cœur de tout ce que nous faisons. L’équation est simple: lorsque les filles sont en bonne santé et scolarisées, lorsque les femmes sont protégées par la loi et ont accès aux ressources financières, lorsque les femmes vivent à l’abri de la violence et de la discrimination, les nations prospèrent. Je joins ma voix à celle des dirigeants qui se réuniront cet après-midi pour adopter une déclaration énergique sur la violence sexuelle en temps de conflit. Le XXIe siècle doit être le siècle des femmes».
Le rapport du Secrétaire Général sur l’accélération de la réalisation des Objectifs du Millénaire indique que le cadre de développement de l’après 2015 sera plus efficace s’il est inclusif et initié de la base vers le sommet. Ainsi, les Nations Unies ont été mandatées par l’Assemblée Générale pour mener les discussions internationales. Ces discussions ont été conduites à travers les travaux de groupes d’experts, les consultations des organisations internationales, régionales, les consultations au sein des pays, des ONGs…
Consultations internationales sur l’Agenda de Développement Post 2015
Le Secrétaire Général a créé l’Équipe Spéciale du système des Nations Unies sur l’Agenda de Développement de l’après 2015 de l’ONU et un Panel de haut niveau constitué de personnalités éminentes.
1. L’Équipe spéciale du système des Nations Unies a été créée par le Secrétaire Général de l’ONU en janvier 2012 pour soutenir les préparatifs à l’échelle du système du programme de développement de l’après-2015. Il regroupe plus de 60 organismes, institutions des Nations Unies et organisations internationales et est présidé conjointement par le Départements des Affaires Economiques et Sociales et le PNUD. L’équipe de travail fournit des données analytiques, de l’expertise ainsi que la sensibilisation dans le débat relatif au programme de développement de l’après-2015. L’Équipe a présenté son premier rapport intitulé « Réaliser le futur que nous voulons pour tous » en juin 2012. Le rapport présente les principales recommandations de l’Équipe pour un programme de développement au-delà de 2015. Il appelle à une approche de politique intégrée pour assurer un développement économique inclusif, un développement social inclusif, la paix et la sécurité ainsi que la durabilité de l’environnement au sein d’un programme de développement qui réponde aux aspirations de tous les peuples, pour un monde libéré de la misère et de la peur.
2. Le Panel des personnalités de haut niveau mis en place en juillet 2012 par le Secrétaire Général des Nations, co-présidé par les Présidents indonésien, Dr Susilo Bambang Yudhoyono, libérien Ellen Johnson Sirleaf et par le Premier Ministre britannique David Cameron, a rendu son rapport le 30 mai 2013. Le rapport propose de bâtir le nouvel Agenda de Développement international sur la base des OMD existants et propose 12 objectifs comme base d’un changement transformationnel :
(1) Eradiquer la pauvreté ; (2) Rendre autonomes les filles et les femmes et atteindre l’égalité entre les genres ; (3) Fournir une éducation de qualité et permettre l’apprentissage tout au long de la vie ; (4) Assurer des vies en bonne santé; (5) Assurer la sécurité alimentaire et une bonne nutrition ; (6) Réaliser l'accès universel à l'eau et l'assainissement ; (7) Assurer l'énergie durable ; (8) Créer des emplois, des moyens de subsistance durables et une croissance équitable ; (9) Gérer la disponibilité en ressources naturelles de manière durable ; (10) Assurer une bonne gouvernance et des institutions efficaces ; (11) Assurer des sociétés stables et en paix ; (12) Créer un environnement mondial favorable et catalyser les financements sur le long terme.
3. Le Groupe de développement des Nations Unies a lancé une série de onze consultations thématiques ainsi que des consultations nationales et 88 pays ont été sélectionnés pour conduire des consultations nationales.
Au niveau mondial, les 11 principales thématiques abordées sont, entre autres, les inégalités, la gouvernance, la santé, l’environnement, les dynamiques de population, l’accès à l’eau, la croissance économique et l’emploi, les conflits et la fragilité, la sécurité alimentaire et la nutrition, éducation et l’énergie.
4. L’Union africaine a mis en place, en mai 2013, un Comité de Haut Niveau (CHN)[1] composé de Chefs d'Etat de dix (10) pays (l’Algérie, le Tchad, le Congo, l’Ethiopie, la Guinée, l’Ile-Maurice, la Mauritanie, la Namibie, le Libéria et l'Afrique du Sud) et présidé par son Excellence Mme Helen Johnson-Sirleaf, Présidente du Liberia. Ce Comité avait pour principaux objectifs d’élaborer une Position Commune Africaine (PCA) sur l’Agenda Post-2015 du développement et de veiller à ce que les priorités africaines soient pleinement prises en compte dans les débats et dans les négociations politiques actuellement en cours au plan international.
Le CHN vient ainsi de conclure un aspect important de son mandat à savoir, le lancement le 28 Février 2014 à N'Djamena, au Tchad, de la Position Africaine Commune (PCA). La Position Africaine Commune identifie les problèmes de fond qui revêtent une importance
pour l’Afrique et dégage un consensus sur les principales priorités, préoccupations et stratégies du continent à intégrer dans le document final du processus de négociation pour l’après-2015. Elle met l’accent sur la recherche d’une transformation économique structurelle en vue d’un développement inclusif et axé sur l’être humain.
Les priorités de développement de l’Afrique s’articulent autour de six piliers : (i) transformation économique structurelle et croissance inclusive ; (ii) science, technologie et
innovation ; (iii) développement axé sur l’être humain ; (iv) viabilité environnementale, gestion des ressources naturelles et des risques de catastrophes naturelles ; (v) paix et sécurité ; et (vi) finance et partenariats.
Au niveau de l’axe Développement axé sur l’être humain, il est fait référence à l’égalité des sexes et l’autonomisation des femmes qui sera possible à réaliser à travers le renforcement de la mobilité professionnelle des femmes et l’élimination de inégalités salariales entre hommes et femmes ; l’accès des femmes à la terre, à la propriété foncière, aux autres outils de production, au crédit, aux services de vulgarisation et à la formation ; l’élimination de toute forme de violence contre les femmes et les enfants ainsi que les pratiques traditionnelles néfastes telles que les mutilations génitales féminines (MGF) et le mariage précoce ; et d’éliminer la discrimination à l’égard des femmes au sein des processus de prise de décision politique, économique et publique.
Consultations nationales sur l’Agenda de Développement Post 2015
L'objectif des consultations nationales était de stimuler un débat ouvert sur l’Agenda de Développement de l’après-2015, en vue de construire une vision globale partagée sur l'avenir que nous voulons, avec des recommandations claires pour les gouvernements, la société civile, le secteur privé et toutes les parties prenantes. Ces consultations devaient : (i) garantir la participation active, libre et utile au développement de tous les individus, conformément à la Déclaration du Millénaire pour le Développement; (ii) être un cadre pour amplifier les voix des marginalisés et des plus vulnérables ; (iii) permettre de réfléchir sur des mécanismes novateurs et le renforcement des cadres existants pour mettre à profit les compétences, expériences et idées de la population dans l’élaboration et la mise en œuvre des politiques qui les affectent.
Au Mali, les consultations se sont tenues de manière inclusive de Janvier à Mai 2013 avec la Société Civile, le secteur privé, le gouvernement et les collectivités locales, les personnes vulnérables et handicapées, les associations féminines, et les jeunes et adolescents. Dans le contexte de crise à l’époque, ces consultations nationales ont été la preuve que le dialogue et la concertation sont à la base de la reconstruction et du développement.
Les résultats obtenus recommandent l'inclusion des défis émergents de développement dans l'Agenda de développement Post-2015 qui consistent à capturer une dynamique plus large du développement. La proposition du Mali comprend les axes suivants:
- Gouvernance, Paix et sécurité
- Croissance inclusive
- Education et innovation technologique
- Développement humain durable.
Le rapport suggère de porter l’échéance des Objectifs internationaux de développement à l’horizon 2030.
Dans le cas du Mali, les questions relatives aux femmes et au genre ont fait l’objet d’un groupe de travail parmi les six groupes thématiques mis en place. Le groupe a abordé cinq thématiques : Economie, Politique et Gouvernance, Education ; Environnement, Paix & Sécurité et Santé. Les participants ont recommandé, entre autres :
- l’amélioration du cadre juridique et institutionnel de la participation des femmes en vue d’atteindre la parité ;
- l’implication des femmes dans la résolution des conflits ;
- la lutte contre les violences basées sur le genre et le relèvement économique des femmes déplacées ;
- la recherche et la Collecte de données désagrégées par sexe et leur diffusion et publication ;
- l’Information, l’Education et la Communication (IEC) ;
- la Communication pour le Changement de Comportement (CCC) ;
- le renforcement du pouvoir économique des femmes (autonomisation, emploi des femmes, activités génératrices de revenus, micro finance etc.).
Les discussions sur l’agenda de développement post 2015 permettront surement d’aboutir dans les mois à venir à un consensus international sur des objectifs de développement ambitieux prenant en compte les priorités de Rio +20 et les préoccupations exprimées par les acteurs du développement dans près 100 pays à travers le monde.
Focus sur la situation des OMD au Mali :
Dans le domaine des OMD, en dépit des avancées en matière d’accès à l’eau potable et de lutte contre le VIH/SIDA, la situation reste préoccupante, notamment en matière de mortalité maternelle et infantile.
OMD1 : La crise de 2012 a eu pour conséquence une augmentation de la précarité chez les ménages et une hausse de l’incidence de la pauvreté, ainsi qu’une augmentation de l’insécurité alimentaire. Le taux de pauvreté serait de 45,4% en 2011-2012 d’après des données de l’Enquête Modulaire Permanente auprès des ménages (EMOP) contre une cible de 34,5% en 2015. Le chômage touche 10,8 % de la population en âge de travailler (15 à 64 ans). Les femmes sont plus touchées 15,1% ainsi que les jeunes 13,8%. Plus de 3 millions de personnes sont menacées par l’insécurité alimentaire en 2014, dont 800 000 qui nécessitent une assistance immédiate;
OMD 2 : Les populations déplacées et réfugiées éprouvent des problèmes de scolarisation de leurs enfants, ce qui a entraîné une baisse de la fréquentation scolaire avec une incidence sur le niveau national. Le Taux Brut de Scolarisation (TBS) au premier cycle du fondamental est passé de 81,5 % en 2011 à 78,3 % en 2012. Pour les filles, il est passé de 74% à 71,4%. L’indice de parité fille- garçons a baissé en passant de 0,83 en 2011 à 0,80 en 2012.[2]
OMD 3 : L’occupation du Nord Mali n’a pas été bénéfique à la fréquentation de l’école par les filles. Ce taux est de 56,4% contre 68% pour les garçons.
OMD 4 : La mortalité des enfants de moins d’un an est en hausse (104‰) pour une cible en 2015 de 43,1‰. La mortalité infanto-juvénile par contre recule à 154‰ mais reste encore bien éloignée de la cible en 2015 qui est de 76,6‰.
OMD 5 : Le taux de mortalité maternelle reste à 363,6 pour 100 000 naissances vivantes, avec une proportion d’accouchements assistés a été de 57% en 2012 en baisse de 1 point par rapport à 2011.
OMD 6 : La prévalence de la séropositivité est à 1,3% et il est 50% plus élevée chez les femmes que chez les hommes. Le Taux de prévalence VIH/SIDA parmi les femmes enceintes a été de 1,78% en 2012.
OMD 7 : L’approvisionnement en eau potable avait connu des progrès notables avant la crise : 76,1% de la population malienne avait accès à une source d’eau potable. Aujourd’hui, les personnes déplacées et les réfugiés connaissent de sérieuses difficultés d’approvisionnement.
[1] Position Commune Africaine sur le programme de développement pour l’après 2015, Union Africaine février 2014 www.africa-union.org
[2] Rapport de mise en œuvre du CSCRP, Cellule Technique CSLP août 2013.
**Télécharger la version pdf de ce papier présenté lors de la Journée d’Information organisée par le ROFAF en collaboration avec le COFEM le 02 avril 2014 au Centre Aoua Keita sur « Le Genre dans le Programme de développement pour l’Après 2015 »
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