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Madagascar: Le centre Tsara Monina ouvre ses portes aux femmes battues

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Antananarivo, 24 septembre: Une grande première à Madagascar : un centre destiné à accueillir les femmes battues qui veulent échapper à la violence qu'elles subissent dans leurs foyers est en passe de voir le jour.

Ce centre nommé «TSARA MONINA », qui signifie « bonne habitation », sera opérationnel à partir du mois d'octobre, grâce à un financement de l'Union Européenne. Et ceci, dans le cadre du projet d'action et de prévention contre la violence conjugale, élaboré par l'organisation non-gouvernementale Enda Océan Indien (Enda OI). Cet abri pourra accueillir 20 femmes et ce, pour une durée de deux mois.

Ce projet a été bien accueilli dans un pays où le pourcentage de violence est très élevé au sein des ménages urbains. En effet, selon l'enquête d'Enda OI sur la violence conjugale à l'encontre des femmes à Antananarivo (ELVICA), menée en 2007, 65% des femmes tananariviennes concernées ont affirmé avoir subi au moins une forme de violence au sein de leur foyer.

Un extrait de l'article 55 de l'ordonnance malgache stipule que : « ... Pour des motifs graves, la femme peut quitter temporairement le domicile conjugal dans les formes et conditions prévues par une coutume, le Misintaka, qui veut dire avoir le droit de partir ». Cet article n'a fait que consacrer un très ancien droit en vigueur dans pratiquement de toutes les ethnies malgaches.

Dans son ouvrage intitulé «La femme, la société et le droit malgache », l'auteur Henri Raharijaona, premier président de la Cour d'Appel de Madagascar, donne une explication sur l'article du 28 avril 1960 de la Cour d'Appel qui, selon lui, définissait en ces termes ce droit. « Le Misintaka est le droit pour la femme malgache de quitter temporairement le domicile du mari et se retirer dans sa famille jusqu'à que celui-ci procède aux démarches du Fampodiana ou invitation à réintégrer le domicile conjugal. Il s'agit donc historiquement d'une faculté donnée à l'épouse malheureuse en ménage qui, sans avoir à se reprocher la moindre faute, peut au contraire invoquer des griefs à l'encontre de son mari, pour se retirer chez ses parents afin de mettre fin momentanément à une existence douloureuse, dans l'attente du retour à de meilleurs sentiments d'un mari repentant». On remarquera que ce droit, jadis réservé à la femme de statut traditionnel, a été étendu à l'ensemble des femmes.

Cet article reste toutefois méconnu des victimes de nos jours et n'a pas été appliqué, faute de mesures d'accompagnement. Jusqu'ici, Madagascar n'a jamais disposé d'un centre légal pour accueillir les femmes battues. Et pire encore, les femmes qui prolongent cet abandon du foyer peuvent être poursuivies par la loi.

« Face à cette réalité, le centre Tsara Monina est une réponse pour aux victimes de violence conjugale pendant les deux mois acceptables, qui est la durée du Misintaka », explique Lydia Razafindravao, coordinatrice du projet action et prévention contre la violence conjugale au sein de l'Enda OI.

Pendant ces deux mois donc, les femmes concernées pourront bénéficier d'un suivi psychologique, d'activités en groupe, de loisirs et d'échanges. Selon les responsables, en venant au centre, elles peuvent réfléchir tranquillement à la décision qu'elles prendront après ces quatre semaines et ce, sans être pressurisées par quiconque. «Nous les soutiendrons, indépendamment de leur décision finale. Si leur choix est de regagner leur foyer, nous les encouragerons à reconstruire leur famille. Le cas échéant et si elles choisissent le divorce, nous leur offrirons un accompagnement social et administratif », soutient Lydia Razafindravao.

«Ce nouveau refuge arrive à point nommé car beaucoup de victimes n'arrivent plus à prendre leur vie en main après les expériences douloureuses vécues », explique un des membres du réseau TIHAVA qui regroupe une vingtaine d'associations faisant de la sensibilisation publique contre la violence conjugale. Ce réseau vient d'animer un dialogue sur les droits de la femme victime de violence conjugale voulant quitter son foyer pendant une durée limitée.

Informée sur l'entrée en opération prochaine de ce centre, Vahatrandriana, une victime d'un mari alcoolique et particulièrement violent, ne peut qu'espérer un prolongement de la période d'accueil dans ce centre. «J'ai beau essayer de partir de chez moi mais je ne sais où aller. Ma famille ne veut pas m'accueillir car elle a peur que je sois un fardeau pour elle», souligne-t-elle. Mais selon la coordonnatrice de ce projet qui va durer trois ans, le centre accordera la priorité aux femmes mariées civilement et présentant un certificat en bonne et due forme signée par les autorités compétentes au niveau du Fokontany ou comité de quartier.

Malgré sa faible capacité d'accueil par rapport au nombre de victimes réelles dans la capitale malgache, le centre «Tsara Monina » pourrait être un pilier dans la lutte contre la violence basée sur le genre à Madagascar. Une initiative conforme aux demandes du Protocole de la SADC sur le Genre et le Développement, document régional signé et ratifié par l'Etat malgache. Et même si ce projet est l'œuvre de la société civile et que la prise en chargé offerte est à durée déterminée, qu'importe, elle permettra aux femmes battues de mettre leur vie en parenthèses pour se retrouver, réfléchir sans contraintes et décider enfin de la vie qu'elles veulent mener.

Fanja Razafimahatratra est journaliste en freelance à Madagascar. Cet article fait partie du service d'information de Gender Links qui apporte des perspectives nouvelles à l'actualité quotidienne.

Source:allafrica.com

 

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